samedi 19 mai 2018

Ma part de Gaulois de Magyd Cherfi

1981, c'est l'année du baccalauréat pour Magyd, petit Beur de la rue Raphaël, quartiers nord de Toulouse. Une formalité pour les Français, un événement sismique pour lui. Pensez donc, le premier bac arabe de la cité. Le bout d'un tunnel, l'apogée d'un long bras de fer avec la fatalité, sous la pression énamourée de la toute-puissante mère et les quolibets goguenards de la bande. Parce qu'il ne fait pas bon passer pour un intello après l'école : Magyd et ses inséparables, Samir le militant et Momo l'artiste de la tchatche, en font l'expérience au quotidien.
Avec en fond sonore les rumeurs accompagnant l'arrivée au pouvoir de Mitterrand, cette chronique d'un triomphe annoncé capture un rendez-vous manqué, celui de la France et de ses banlieues.

"J’étais mou, affable et grassouillet, ça vous donne trois raisons de ne pas visiter la jungle des hommes. Je me dis quand j’y pense que le secret de l’écriture est là. En écrivant on sublime forcément cet effroi qu’est le réel. Pour moi c’en était un au point d’éprouver une jouissance à l’enfermement. Je m’isolais pour réinventer un monde dans lequel j’aurais pas été moins qu’un prince… charmant, musclé et pas con.
À défaut d’être “mec”, je me suis fait plume et ma haine, plutôt que des poings, s’est servie d’un stylo." 

Récit autobiographique du chanteur de l'excellent groupe Zebda où on plonge dans les années 80. Magyd Cherfi n'a rien perdu de son mordant, lui qui a dépassé "la névrose identitaire" et déclare avoir trouvé sa part de Gaulois sans renier ses origines kabyles pour devenir un "schizophrène cool". On le découvre  amoureux de Balzac ou Maupassant, ce qui ne nous étonne guère et activiste dès son plus jeune âge, ce qui ne nous étonne pas non plus.  Ma part de Gaulois a mérité ses prix (Le Parisien Magazine (2016), Prix des Députés (2017), Prix Beur FM Méditerranée (2017)).

Actes Sud, Babel, 2018