Comment caractériser une vie entière ? Les voix qui s’élèvent ici sont
celles des habitants du cimetière, qu’on nomme « le champ » dans la
petite ville de Paulstadt. À la concision des épitaphes, l’écrivain
substitue les mots des défunts. Par un souvenir, une sensation fugace,
une anecdote poignante, chacun de ces narrateurs évoque ce que fut son
existence.
Au fil de la lecture émerge le portrait d’une bourgade comme tant
d’autres, marquée par le retour de la prospérité au mitan du siècle
dernier. La vie tourne autour des figures locales : le maire, la
fleuriste, le facteur, le curé dévoré par les flammes dans l'incendie de
l'église, le marchand de légumes…
Les voix se font écho, s’entrelacent, se contredisent parfois, formant
le tableau d’une communauté riche d’individus et de sensibilités
différentes.
Le plus saisissant dans ce texte est l’émotion qui sourd de chaque
histoire : non celle de savoir le protagoniste disparu, mais l’empathie
que parvient à susciter l’auteur pour ces êtres si vivants, leurs
espoirs, leurs doutes, leurs ambitions, leur solitude.
Le Champ est un livre sur la vie, que Seethaler réussit à dire avec autant de simplicité que de profondeur.
Sabine Wespieser, 2020.