1981, c'est
l'année du baccalauréat pour Magyd, petit Beur de la rue Raphaël,
quartiers nord de Toulouse. Une formalité pour les Français, un
événement sismique pour lui. Pensez donc, le premier bac arabe
de la cité. Le bout d'un tunnel, l'apogée d'un long bras de fer avec la
fatalité, sous la pression énamourée de la toute-puissante mère et les
quolibets goguenards de la bande. Parce qu'il ne fait pas bon passer
pour un intello après l'école : Magyd et ses inséparables, Samir le
militant et Momo l'artiste de la tchatche, en font l'expérience au
quotidien.
Avec en fond sonore les rumeurs accompagnant l'arrivée au
pouvoir de Mitterrand, cette chronique d'un triomphe annoncé capture un
rendez-vous manqué, celui de la France et de ses banlieues.
"J’étais mou, affable et grassouillet, ça vous donne trois raisons de
ne pas visiter la jungle des hommes. Je me dis quand j’y pense que le
secret de l’écriture est là. En écrivant on sublime forcément cet effroi
qu’est le réel. Pour moi c’en était un au point d’éprouver une
jouissance à l’enfermement. Je m’isolais pour réinventer un monde dans
lequel j’aurais pas été moins qu’un prince… charmant, musclé et pas con.
À défaut d’être “mec”, je me suis fait plume et ma haine, plutôt que des poings, s’est servie d’un stylo."
Récit autobiographique du chanteur de l'excellent groupe Zebda où on plonge dans les années 80. Magyd Cherfi n'a rien perdu de son mordant, lui qui a dépassé "la névrose identitaire" et déclare avoir trouvé sa part de Gaulois sans renier ses origines kabyles pour devenir un "schizophrène cool". On le découvre amoureux de Balzac ou Maupassant, ce qui ne nous étonne guère et activiste dès son plus jeune âge, ce qui ne nous étonne pas non plus. Ma part de Gaulois a mérité ses prix (Le Parisien Magazine (2016), Prix des Députés (2017), Prix Beur FM Méditerranée (2017)).
Actes Sud, Babel, 2018